Département d’État des États-Unis
Antony J. Blinken, secrétaire d’État
Le 7 mai 2021

Allocution

LE SECRÉTAIRE D’ÉTAT ANTONY BLINKEN : Bon, bonjour, bon après-midi, bonsoir. Je tiens d’abord à remercier la Chine et le ministre des Affaires étrangères Wang [Yi] d’avoir lancé cette discussion cruciale sur l’avenir des Nations unies et de l’ordre international. Et je remercie également le président de l’Assemblée générale [Volkan] Bozkir de son leadership.

Lorsque les pays se sont réunis après la Seconde Guerre mondiale pour former les Nations unies, pratiquement toute l’histoire de l’humanité jusqu’à ce jour-là indiquait que la force faisait loi. La concurrence mène inexorablement à la collision. La montée d’une nation ou d’un groupe de nations nécessitait la chute d’autres.

Puis nos pays se sont unis pour choisir une voie différente. Nous avons adopté une série de principes pour prévenir les conflits et alléger les souffrances humaines ; pour consacrer et défendre les droits de l’Homme ; pour promouvoir un dialogue continu visant à maintenir et à améliorer un système créé pour le bienfait de tous.

Les pays les puissants se sont engagés à respecter ces principes. Ils sont convenus d’adopter une sorte d’auto-retenue – dans les termes du président Truman, de se priver de la licence d’agir toujours à leur guise – parce qu’ils ont reconnu qu’au bout du compte, cela servirait non seulement les intérêts de l’humanité, mais aussi les leurs. Les États-Unis l’ont fait, même s’ils étaient de loin, à l’époque, le pays le plus puissant du monde. Ils l’ont fait par le sens éclairé qu’ils avaient de leur propre intérêt. Nous étions convaincus que le succès d’autres pays était essentiel au nôtre. Et nous ne voulions pas que les pays moins puissants se sentent menacés et obligés de se liguer contre nous.

Au cours des années qui ont suivi, nous avons fait face à des défis considérables : les divisions de la Guerre froide, les vestiges du colonialisme et les moments où le monde est resté muet devant des atrocités de masse. Et aujourd’hui, les conflits, les injustices et les souffrances à travers le globe mettent en évidence le nombre de nos aspirations qui restent à réaliser.

Mais aucune époque de l’histoire moderne n’a été plus paisible ni plus prospère que celle créée par les Nations unies. Nous avons évité le conflit armé entre des puissances nucléaires.  Nous avons aidé des millions de personnes à sortir de la pauvreté. Nous avons plus que jamais fait avancer les droits de l’Homme.

Cette entreprise audacieuse, quelles que soient ses imperfections, a été un accomplissement sans précédent. Et elle a perduré parce que la majorité écrasante des gens et des pays continuent de reconnaître qu’elle représente leurs intérêts, leurs valeurs et leurs espoirs.

Mais elle est maintenant face à un grave danger.

Le nationalisme ressurgit, la répression s’accroît, les rivalités entre les pays s’accentuent – et les attaques contre l’ordre basé sur les règles s’intensifient. Aujourd’hui, certains se demandent même si la coopération multilatérale est encore possible.

Les États-Unis sont convaincus qu’elle est non seulement encore possible, mais qu’elle constitue aussi un impératif.

Le multilatéralisme reste notre meilleur atout pour nous attaquer aux grands défis mondiaux, tel celui qui nous contraints aujourd’hui à nous rassembler devant un écran au lieu de nous réunir autour d’une table. La pandémie de COVID-19 a changé la vie telle que nous la connaissions aux quatre coins de la planète, avec des millions de morts et ses effets dévastateurs sur les économies, la santé, l’éducation et le progrès social.

La crise climatique est une autre menace de taille. Si nous ne passons pas rapidement à l’action pour réduire les émissions, les conséquences seront catastrophiques.

Nous avons construit un système multilatéral en partie pour résoudre les grands problèmes complexes tels que ceux-ci, où le sort de tous les habitants de la planète est lié, et où aucun pays, aussi puissant qu’il soit, ne peut relever ces défis à lui seul.

C’est pourquoi les États-Unis œuvreront de concert avec des institutions multilatérales pour mettre fin à la COVID-19 et s’attaquer à la crise climatique, et nous le ferons tout en respectant les principes fondamentaux de l’ordre international.

Nous travaillerons également avec n’importe quel pays sur ces questions, y compris ceux avec lesquels nous avons de sérieux différends. Les enjeux sont trop importants pour que les différends fassent obstacle à notre coopération. Il en va de même pour ce qui est d’endiguer la propagation et l’utilisation des armes nucléaires, de fournir une aide humanitaire vitale et de gérer les conflits meurtriers.

Dans le même temps, nous continuerons de réagir énergiquement lorsque nous verrons des pays saper l’ordre international, prétendre que les règles que nous avons tous acceptées n’existent pas ou les enfreindre à volonté. Car pour que le système fonctionne, tous les pays doivent s’y conformer et s’investir dans sa réussite.

Voici trois façons de procéder.

Premièrement, tous les membres doivent respecter leurs engagements, en particulier ceux qui sont juridiquement contraignants. Cela inclut la charte des Nations unies, les traités et les conventions, les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, le droit humanitaire international ainsi que les règles et les normes convenues sous les auspices de l’Organisation mondiale du commerce et de nombreuses autres organisations internationales qui fixent des normes.

Soyons clairs : les États-Unis ne cherchent pas à faire respecter cet ordre fondé sur des règles pour maintenir les autres nations dans un état de faiblesse. L’ordre international que nous avons contribué à construire et à défendre a permis l’essor de certains de nos concurrents les plus acharnés. Notre objectif est simplement de défendre, de maintenir et de revitaliser cet ordre.

Deuxièmement, les droits et la dignité de l’homme doivent rester au cœur de l’ordre international. L’unité fondatrice des Nations unies – dès la première phrase de la charte – n’est pas seulement l’État-nation. C’est aussi l’être humain. Certains affirment que ce que les gouvernements font à l’intérieur de leurs frontières ne regarde qu’eux et que les droits de l’Homme sont des valeurs subjectives qui varient d’une société à l’autre. Mais la Déclaration universelle des droits de l’Homme est dite « universelle » parce que nos nations sont convenues qu’il existe certains droits auxquels toute personne, partout, peut prétendre. L’affirmation de la compétence nationale ne donne à aucun État un blanc-seing pour asservir, torturer, faire disparaître, nettoyer ethniquement son peuple ou violer ses droits fondamentaux de quelle que manière que ce soit.

Et cela m’amène à mon troisième point, à savoir que l’ONU est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de ses États membres.

Un État ne respecte pas ce principe lorsqu’il se propose de redessiner les frontières d’un autre État, ou lorsqu’il cherche à résoudre des différends territoriaux par le recours ou la menace du recours à la force, ou lorsqu’il s’arroge une sphère d’influence pour imposer sa volonté ou contraindre un autre pays à faire tel ou tel choix, à prendre telle ou telle décision. Et un État fait preuve de mépris à l’égard de ce principe lorsqu’il cible un autre pays par la désinformation ou en instrumentalisant la corruption, lorsqu’il sape les élections libres et régulières et les institutions démocratiques d’autres pays ou qu’il s’en prend à des journalistes ou à des dissidents à l’étranger.

Ces actions hostiles peuvent également menacer la paix et la sécurité internationales que la charte des Nations unies oblige cet organe à maintenir.

Lorsque les États membres de l’ONU – en particulier les membres permanents du Conseil de sécurité – bafouent ces règles et bloquent les tentatives visant à mettre face à leurs responsabilités ceux qui violent le droit international, ils envoient le message que d’autres pays peuvent enfreindre ces règles en toute impunité.

Nous devons tous accepter l’examen sérieux, même difficile, qui accompagne les engagements que nous avons pris librement. Cela inclut les États-Unis.

Je sais que certaines de nos actions, ces dernières années, ont ébranlé l’ordre fondé sur des règles et amené d’autres personnes à se demander si nous y sommes toujours attachés. Plutôt que de nous croire sur parole, nous demandons au monde de juger notre engagement par nos actions.

Sous le gouvernement Biden-Harris, les États-Unis se sont déjà réengagés vigoureusement dans les institutions multilatérales. Nous avons rejoint l’Accord de Paris sur le climat, nous nous sommes remobilisés dans l’Organisation mondiale de la santé et nous cherchons à réintégrer le Conseil des droits de l’Homme. Nous faisons jouer la diplomatie pour revenir au respect mutuel du Plan d’action global conjoint et pour renforcer le régime de non-prolifération nucléaire. C’est nous qui contribuons le plus, et de loin, à la COVAX, le meilleur véhicule qui soit pour la distribution équitable des vaccins contre la COVID-19, et nous mettons des dizaines de millions de doses à la disposition d’autres pays, sans considérations politiques.

Nous prenons aussi des mesures, avec beaucoup d’humilité, pour remédier aux inégalités et aux injustices au sein de notre démocratie. Nous le faisons ouvertement et en toute transparence pour que les gens du monde entier puissent voir, même quand ce n’est pas beau à voir, même quand c’est douloureux. Et nous en sortirons plus forts et meilleurs.

De même, cela ne suffit pas de défendre l’ordre fondé sur des règles que nous avons actuellement. Nous devons l’améliorer et l’étayer. Nous devons tenir compte de l’évolution des rapports de force au cours des 80 dernières années, non seulement entre les pays mais aussi à l’intérieur de ceux-ci. Nous devons répondre aux revendications légitimes, en particulier quant aux pratiques commerciales déloyales, qui ont provoqué des réactions hostiles à un ordre économique international ouvert dans de nombreux pays, y compris aux États-Unis. Et nous devons faire en sorte que cet ordre soit équipé pour répondre aux nouveaux problèmes, comme les inquiétudes en matière de sécurité nationale et de droits de l’Homme soulevées par les nouvelles technologies, des cyberattaques à la surveillance en passant par les algorithmes discriminatoires.

Enfin, nous devons moderniser la manière dont nous construisons les coalitions et le choix de ceux que nous incluons dans nos efforts de diplomatie et de développement. Cela implique la formation de partenariats non traditionnels au-delà des frontières régionales, afin de rassembler les villes, le secteur privé, les fondations, la société civile et les mouvements sociaux et de la jeunesse.

Et nous devons améliorer l’équité au sein de nos pays, et entre eux, et réduire les écarts économiques, politiques et sociaux persistants, fondés sur la race, le sexe et d’autres éléments de notre identité qui font de nous ce que nous sommes.

À la création de cette institution, le président Truman a déclaré : « Cette charte n’est l’œuvre d’aucune nation ni d’aucun groupe de nations, grandes ou petites. Elle est le résultat d’un esprit de compromis, de tolérance des opinions et des intérêts des autres. » Il a dit que c’était la preuve que les nations peuvent exprimer leurs différends, y faire face et trouver un terrain d’entente sur lequel s’appuyer.

Nous continuons d’avoir des différends profonds entre les États membres de l’ONU et au sein de ce conseil. Mais les États-Unis ne ménageront aucun effort pour trouver et s’appuyer sur ce terrain d’entente avec tout pays qui respecte ses engagements envers l’ordre que nous avons fondé ensemble et que nous devons défendre et revitaliser ensemble.

Voilà la grande épreuve du moment. Affrontons-là ensemble !

Merci.


Voir le contenu d’origine : https://www.state.gov/secretary-antony-j-blinken-virtual-remarks-at-the-un-security-council-open-debate-on-multilateralism/

Nous vous proposons cette traduction à titre gracieux. Seul le texte original en anglais fait foi.

U.S. Department of State

The Lessons of 1989: Freedom and Our Future