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Département d’État des États-Unis
Antony J. Blinken, secrétaire d’État
Le 5 octobre 2021

OCDE
Paris, France

QUESTION : Bonjour, Antony Blinken,

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Bonjour.

QUESTION : Merci d’avoir accepté cette interview. Vous venez de vous entretenir avec le président Macron, cela faisait trois semaines qu’il n’avait pas rencontré de responsable américain, trois semaines c’était le début de la crise, l’annonce de la rupture du contrat par les Australiens, du contrat avec la France – le « contrat du siècle », de 35 milliards d’euros, et l’annonce dans le même temps de l’achat de sous-marins américains. À l’époque, c’est le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, qui a exprimé la colère de la France et l’incompréhension – il a parlé de « coup bas », de « Trump sans les tweets ». Est-ce que vous avez compris que la France se sente trahie par les Américains ?

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : J’ai bien compris et surtout j’étais très content aujourd’hui de pouvoir passer une heure en tête à tête avec Jean-Yves Le Drian – un ami, non seulement un collègue, mais un ami de longue date, pour qui j’ai énormément d’estime – et puis effectivement de pouvoir passer du temps avec le président de la République. Et je pense que l’on constate deux choses : premièrement, on aurait pu – on aurait dû – faire mieux, au niveau de la communication. C’est ce que le président Biden et le président Macron se sont dit quand ils se sont parlé il y a quelques semaines. Mais surtout, on a parfois tendance à prendre pour acquise une relation aussi importante et profonde que celle qui lie la France et les États-Unis.

QUESTION : Et on s’attendait à mieux, surtout avec le changement d’administration, et même avec vous ! Vous qui parlez français, qui êtes francophile, on s’attendait à un meilleur dialogue !

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Et justement, on fait mieux, parce que, suite aux instructions des deux présidents, ce que l’on fait maintenant depuis quelques semaines, c’est un approfondissement à la fois au niveau de la consultation et de la communication, mais aussi sur la coordination et la coopération sur les dossiers les plus importants qui lient nos deux pays.

QUESTION : Lesquels ?

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Que ce soit l’indopacifique même, où nous allons travailler plus étroitement ensemble, le Sahel, où déjà il y a un partenariat très important qui va s’approfondir, ou dans l’espace euro-atlantique, y compris sur les questions de sécurité, à la fois sur la capacité européenne et puis le renouvellement de l’OTAN.

QUESTION : Au sahel ça veut dire que vous vous êtes engagés à un plus grand soutien logistique des opérations françaises ?

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Il y a déjà un travail très important en commun au Sahel, qui s’est manifesté d’ailleurs sur une opération qui a eu beaucoup de succès, menée par la France et avec le soutien des États-Unis, il y a quelques semaines. Et justement faire encore plus ensemble au Sahel : nos experts vont se réunir pour justement définir ce travail en commun.

QUESTION : Qu’est-ce que vous vous êtes dit concrètement avec Emmanuel Macron ?

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : On s’est dit – je ne veux pas parler pour le président – mais je peux vous dire ce que j’ai dit suite au président Biden, c’est qu’il y a maintenant une opportunité très importante, suite au travail qui nous a été confié par les deux présidents, justement, d’approfondir cette coopération et coordination, que ce soit au Sahel, que ce soit dans l’indopacifique, que ce soit sur les dossiers transatlantiques ou même toutes sortes de dossiers sur lesquels nous travaillons déjà ensemble et pour lesquels on pourrait faire encore plus. J’ai évoqué par exemple, avec le ministre des Affaires étrangères, le Liban, la Lybie, la Tunisie. Il y a une complicité et un travail en commun entre la France et les États-Unis qui sont plus profonds que jamais et justement je trouve qu’on a maintenant les moyens de faire plus et de faire mieux.

QUESTION : On a souvent quand même le sentiment que les États-Unis se désengagent de ces dossiers et laissent la France aux avant-postes.

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Ce n’est pas du tout une question de désengagement, au contraire. Il y a un engagement mené à travers les alliances, à travers des partenariats, à travers des institutions internationales. Si on définit l’engagement par « combien de troupes est-ce que vous avez dans tel ou tel endroit, ça c’est une question. Si on définit engagement par « quel est votre engagement diplomatique, politique, économique, et surtout, avec vos alliés et partenaires », je crois que nous sommes très engagés ! Et je vous dirais une autre chose : ce qui pour nous est très important, pour le président Biden, c’est que si on regarde les grands dossiers de notre moment, qui ont un impact sur les citoyens – en France, aux États-Unis – que ce soit climat, COVID, les technologies émergentes qui ont un impact sur la vie de nos concitoyens, on ne peut pas faire ça, on ne peut pas traiter de ces problèmes, en cavalier seul. On est obligé, plus que jamais, de travailler avec les autres et surtout avec nos alliés et nos partenaires.

QUESTION : Il y a deux ans, Emmanuel Macron avait dit que l’OTAN était en état de mort cérébrale, à quoi sert l’OTAN aujourd’hui ?

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Vous savez, je remercie le président Macron, parce que grâce à lui, il y a eu un travail très profond qui a été fait à l’OTAN, qui s’est manifesté lors du dernier Sommet. Justement, un projet pour définir ce que sera l’OTAN en 2030, comment est-ce que l’OTAN peut faire face aux nouveaux défis tout en restant fidèles à sa mission de base, c’est-à-dire la défense du territoire euro-atlantique, tout cela est en cours. C’est un nouveau concept stratégique qui prend en compte les nouveaux défis, les nouveaux dangers. Mais l’OTAN reste fondamentalement ce qu’elle a toujours été. C’était un moyen de défense du territoire euro-atlantique, et je pense que cela se manifeste tous les jours. Pensez par exemple aux pays membres maintenant de l’OTAN qui ne sont pas par exemple sous la menace (inaudible) des Russes par exemple. Sans l’OTAN, ça serait autre chose !

QUESTION : Aujourd’hui on a le sentiment que ce qui intéresse les États-Unis c’est surtout la zone indopacifique avec cette nouvelle alliance avec les Australiens et les Anglais. La Chine multiplie les démonstrations de force. De quoi a-t-on peur ? Est-ce que le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine peut dégénérer, y compris militairement ?

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Vous savez, la relation avec la Chine, pour nous, ou pour la France, ou pour beaucoup d’autres pays, est une relation qui est très complexe, qui a énormément de conséquences. Ça ne peut pas se définir en une seule phrase. Il y a des aspects de compétition, il y a des aspects de coopération, il y a des aspects de conflits. Mais que ce soit coopération, que ce soit compétition, que ce soit conflit, notre intérêt, c’est de pouvoir faire ce travail en commun, avec d’autres, avec nos partenaires et nos alliés, pour faire face aux défis mais aussi pour trouver le moyen de travailler avec la Chine qui est aussi incontournable.

QUESTION : Quand vous fournissez par exemple des sous-marins nucléaires à l’Australie, est-ce que vous ne faites pas monter justement la pression dans cette zone indopacifique ?

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Vous savez, la présence américaine, tout comme la présence française, dans l’indopacifique, a été un moyen justement de garantir la sécurité et la stabilité au cours des derniers 70 ans, et justement cela a permis un climat où les pays de la région ont pu émerger, grandir, trouver leurs moyens, une croissance importante, y compris la Chine. Donc l’intérêt de tous ces pays, c’est de garder un commerce libre et ouvert, la capacité d’avoir des échanges ouverts d’idées, de commerce, de capital, selon les standards les plus élevés, c’est ce que nous essayons, avec nos partenaires, de garantir pour l’avenir.

QUESTION : Il y a un autre aspect de la politique internationale menée par les États-Unis qui nous intéresse, c’est l’Afghanistan. Avec ce désengagement qui s’est fait dans le chaos. On a tous en tête ces images de milliers d’Afghans qui essaient de monter dans des avions pour fuir les Talibans, et pourtant le président Biden a parlé de succès, d’opération extraordinaire. Il y a un malentendu ?

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Deux choses : pour nous, pour les États-Unis, c’était notre guerre la plus longue. 20 ans. Nous sommes allés en Afghanistan pour une raison, une mission. Nous avions été attaqués, le 11 septembre 2001. Il fallait rendre justice à ceux qui nous ont attaqués et nous assurer que cela ne pourrait plus se reproduire envers nous, ou envers nos alliés et partenaires. Et c’est une mission qui a été largement accomplie il y a déjà une décennie. Oussama Ben Laden a été tué il y a dix ans, maintenant.

QUESTION : Mission accomplie, mais les Talibans ont repris le pouvoir, vous avez laissé vos armes, on a vu ces Talibans habillés en GI de la tête aux pieds, et on a entendu ces vétérans américains crier leur colère.

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Le groupe qui nous a attaqués, Al-Qaïda, a été quasiment démantelé au cours de ce temps. Oussama Ben Laden a été rendu en justice, comme je vous le disais, il y a quelques années. Et pour nous, en finir avec la guerre la plus longue dans l’histoire des États-Unis, s’assurer qu’une troisième génération d’Américains, ne soit pas envoyées en Afghanistan pour se faire tuer, était la bonne réponse. En même temps, 125 000 personnes évacuées d’Afghanistan, dans une situation très, très difficile, où nous avons pu sauvegarder l’aéroport, faire en sorte que non seulement les citoyens américains, non seulement des partenaires afghans, mais aussi des partenaires européens et autres qui étaient à Kaboul, puissent partir.

QUESTION : Et d’ailleurs, les partenaires afghans, ils sont surtout au Kosovo, en Macédoine, en Albanie. Combien ont été accueillis sur le territoire américain ?

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Jusqu’ici, nous sommes à peu près à 60 000 qui sont en cours d’être accueillis aux États-Unis. Effectivement certains restent en dehors du pays pour l’instant, il y a un processus pour les documents et cætera qui est en cours. Mais je pense que nous allons en accueillir d’ici la fin du mois 65 000 à peu près.

QUESTION : Une dernière question sur la place des États-Unis dans le monde : quel rôle entendent jouer les États-Unis ? Celui de protecteur, de gendarme ? Ou finalement d’observateur qui ne se mêle que de ce qui le regarde quand ses intérêts sont en cause ?

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Pour nous, deux choses sont très claires. Comme je vous le disais, nous avons un intérêt profond à travailler surtout avec nos alliés et nos partenaires pour essayer de faire face aux plus grands problèmes de ce jour, qui résistent à une solution de cavalier seul. Mais en même temps un engagement. Parce que si on n’est pas engagé, si on n’essaie pas, avec la France, avec nos autres partenaires, de définir le monde que nous voulons à l’avenir, de deux choses l’une : soit quelqu’un d’autre le fera, et probablement pas dans le sens de nos intérêts et de nos valeurs, ou personnes ne le fera, et alors là nous aurons la loi de la jungle, et on a vu dans le passé que ça ne s’arrange pas bien quand c’est le cas.

QUESTION : Merci beaucoup, Antony Blinken, d’avoir répondu à nos questions.


Voir le contenu d’origine : https://www.state.gov/secretary-antony-j-blinken-with-anne-sophie-lapix-of-france-2-tv/

Nous vous proposons cette traduction à titre gracieux. Seul le texte original en anglais fait foi.

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