Département d’État des États-Unis
Antony J. Blinken, secrétaire d’État
Le 15 février 2022
Entretien
Question : Merci encore, Monsieur le secrétaire d’État pour cette interview, alors vous venez d’obtenir une réunion ministérielle pour mieux coordonner les efforts globaux dans la lutte contre le COVID. Pourquoi la tenue d’une telle réunion maintenant et quelles sont les inquiétudes et quels engagements les États-Unis et les autres participants se sont-ils engagés à prendre ?
Le secrétaire Blinken : Effectivement, on vient de se réunir. Nous étions une vingtaine, y compris la France, l’UE, des pays en Afrique, comme l’Afrique du Sud, le Sénégal, des pays à travers le monde. Un groupe de leadership parce que ce qu’il faut maintenant, pour mettre fin au COVID, c’est vraiment combler les vides qui existent. Et nous avons établi un plan d’action très concret où nous avons ensemble identifié ce qui manque et, ensemble, on est résolu à agir, utiliser les compétences uniques de diversité et les institutions pour se concentrer sur là où il faut qu’on évite… par exemple : nous avons fait un effort international très important pour la fabrication de vaccins. Maintenant il faut mieux les distribuer et s’assurer qu’effectivement, ça se retrouve dans les bras des individus qui en ont besoin.
Il y a un problème de la résilience des chaînes d’approvisionnement, il faut que tout ce qui est nécessaire pour les vaccins et leur distribution soit fabriqué et attendre. Là aussi il y a un problème de désinformation et de mésinformation, où on voit à travers le monde des gens qui sont susceptibles à cette désinformation et ils ne prennent pas les vaccins qui sont là, mais qui ne sont pas repris par les individus. Il y a également le problème de soutenir ceux qui font le travail en première ligne et s’assurer qu’ils ont ce qu’il faut pour être protégés. Et enfin, il faut construire un système plus efficace pour l’avenir.
Sur tous ces domaines, en fait, nous avons signé une action. Nous sommes ensemble pour agir ensemble parce que sans cette coordination, finalement, tout le monde fera son devoir, mais c’est beaucoup plus efficace s’il y a identification de ce qui manque et un travail en commun pour essayer de répondre à ce qui manque.
Question : Et justement, en parlant des défis qui restent en Afrique, le taux de vaccination dépasse difficilement 10%. Des scientifiques d’Afrique du Sud ont produit récemment une copie du vaccin Moderna. Mais tant qu’il n’y a pas de levée de brevets, ça retarde grandement la vaccination en Afrique et la fin de la pandémie mondiale. Alors les États-Unis se sont prononcés, l’année dernière pour la levée des brevets et que pouvez-vous faire en attendant et est-ce possible d’avoir une levée des brevets bientôt ?
Le secrétaire Blinken : C’est un travail qui se fait en ce moment effectivement et nous sommes pour. Mais on voit déjà des résultats très importants en Afrique quand il y a justement un travail concentré, coordonné. L’Ouganda, par exemple, il y avait un taux de vaccination en novembre de 11, 12%. Il y a eu un travail concerté avec les partenaires internationaux. Et puis sur le terrain et maintenant, ils sont à 50% des adultes, en 6 semaines, donc c’est tout à fait faisable quand on identifie ce qui manque dans chaque cas. Et ça, dépend des cas et on se met dessus. Donc effectivement les brevets, la production locale non seulement aux États-Unis ou en Inde, mais la production locale est très importante. Cette question de brevets est très importante, surtout pour l’avenir, parce que malheureusement, on sait qu’il y aura une autre pandémie. Il faut qu’on soit mieux préparé et plus efficace. Mais pour le moment, on est convaincu qu’avec une coordination très approfondie pour combler les vides qui existent, on peut mettre fin au COVID-19.
Question : Et vous vous êtes rendu à Dakar, au Sénégal, à l’Institut Pasteur en novembre dernier. cet Institut va produire des vaccins anti-COVID avec le soutien des États-Unis, grâce à un investissement de 3 millions de dollars. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qu’il en est de cet investissement ?
Le secrétaire Blinken : Donc, j’étais très impressionné justement de cette visite au Sénégal et à l’institut Pasteur. Ça souligne non seulement le besoin, mais la capacité qui existe de produire à l’échelle nationale, régionale, à travers le monde. Ça rendra la tâche beaucoup plus efficace à l’avenir et surtout ne pas dépendre des chaînes d’approvisionnement qui sont globales et les réduire pour s’assurer que dans un moment de crise, on peut avoir un impact immédiat.
Question : Alors, l’autre grand sujet du moment, c’est l’Ukraine. Selon plusieurs officiels cités par les médias américains, les États-Unis s’attendent à une invasion de l’Ukraine par la Russie mercredi. Donc est ce que vous attendez une invasion ce mercredi ?
Le secrétaire Blinken : Hélas, c’est tout à fait possible parce que le président Poutine a mis en place tout ce qu’il faut pour justement faire une agression contre l’Ukraine. On voit de plus en plus de forces russes qui entourent l’Ukraine. Plus de 100 000 soldats. C’est extrêmement inquiétant, y compris ce qui se passe avec le déploiement des forces au Belarus, au nord de l’Ukraine. Dans un sens, ça serait très facile pour le président Poutine d’indiquer qu’il est prêt à poursuivre la diplomatie, ça commence par la désescalade, par la réduction des forces qu’il y a autour de l’Ukraine, sans provocation. Il n’y a aucune raison pour que la Russie agisse ainsi. La seule raison qu’on voit, c’est une nouvelle invasion. Et puis il faut aussi qu’on voit ça dans le contexte de l’histoire, ça s’est déjà passé en 2014 avec l’annexion de la Crimée et l’intervention à l’est de l’Ukraine. Donc sachant ça, voyant ce qui se passe autour de l’Ukraine. On s’inquiète beaucoup.
Question : Désolée parce qu’on ne va pas entendre mes questions. Donc vous avez dit oui, c’est possible. Je vous parlais d’une agression mercredi donc est ce que mercredi… ?
Le secrétaire Blinken : Oui, effectivement, une agression dès cette semaine est tout à fait possible quand on voit ce qui se passe autour de l’Ukraine avec le déploiement des forces russes.
Question : Est-ce que le président Biden pourrait se rendre en Ukraine comme le demande le président ukrainien ?
Le secrétaire Blinken : Pour l’instant le président Biden est très engagé dans la diplomatie. Il a parlé aujourd’hui avec le président Zelensky. Il avait parlé auparavant avec le président Poutine. On retient toute hypothèse pour avancer la diplomatie mais dans un premier temps, ça dépend entièrement de la Russie. Est ce qu’ils vont poursuivre un retrait des forces qui entourent l’Ukraine pour donner l’opportunité à la diplomatie d’essayer de résoudre les problèmes qui existent ? Ou, au contraire, est ce qu’ils vont continuer à non seulement maintenir l’impact des forces qui sont déployées autour de l’Ukraine et puis agir avec une agression aussi tôt que cette semaine ?
Question : Et Washington a dévoilé publiquement les intentions, les plans même de la Russie. Il y a une campagne de communication assez agressive de la part des États-Unis. Est-ce une stratégie pour perturber les calculs de Moscou ?
Le secrétaire Blinken : Oui, parce qu’il faut que les gens comprennent les outils que les Russes, dans le passé et aujourd’hui, mettent à leur service, y compris la création de fausses provocations pour justifier une intervention qui a été bien planifiée auparavant. C’est tout à fait dans leur logique, et justement, mettre la lumière là-dessus, c’est peut-être un moyen de l’éviter.
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Question : Et est-ce que cette crise, finalement n’a pas renforcé les liens entre les États-Unis et les alliés européens ? Parce qu’il y avait quand même une crise de confiance envers les États-Unis au début de l’administration Biden avec le retrait de l’Afghanistan et la crise des sous-marins. Donc, est-ce que vous avez l’impression que vous avez regagné la confiance de vos alliés européens ?
Le secrétaire Blinken : Je pense que cette crise a absolument renforcé la solidarité transatlantique. Nous le constatons chaque jour. Et c’est le produit de deux choses. C’est un produit de la menace, malheureusement, posée par l’agression russe. Mais c’est aussi le produit des consultations et de la coordination intenses que nous avons eues de manière continue, depuis plusieurs mois. Nous avons fait le bilan, et nous comptons, ces dernières semaines, plus de 200 engagements : réunions, vidéoconférences, appels téléphoniques, des deux côtes de l’Atlantique, avec des partenaires européens, avec l’UE, avec l’OTAN, avec l’OSCE, avec des pays de manière bilatérale. Et tout cela, je pense, nous rapproche. C’est un rappel des valeurs que nous partageons, des intérêts que nous devons défendre ensemble.
Question : Parfait, merci beaucoup, c’était excellent. Votre Français est toujours aussi bon.
Le secrétaire Blinken : Ah c’est gentil.
Question : Et vraiment merci pour le temps. On sait que c’est une semaine très occupée.
Le secrétaire Blinken : Content de vous revoir, merci.
Voir le contenu d’origine : https://www.state.gov/secretary-antony-j-blinken-with-sonia-dridi-of-france-24/
Nous vous proposons cette traduction à titre gracieux. Seul le texte original en anglais fait foi.