Département d’État des États-Unis
Antony J. Blinken, secrétaire d’État
Le 19 février 2022
Entretien
Hotel Bayerischer Hof
Munich, Allemagne
QUESTION : Et vous avez dit tellement de choses ces derniers jours que je ne sais pas ce que nous pouvons ajouter d’autre, mais permettez-moi de commencer par ceci après l’avertissement glaçant du président hier soir.Que reste-t-il pour empêcher la guerre ?
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Eh bien, je pense que, comme le président l’a également dit hier soir, même si nous sommes convaincus que le président Poutine a pris sa décision d’invasion, jusqu’à ce que cela se produise réellement, nous ne négligerons aucun effort en matière de diplomatie. Nous allons donc continuer à essayer de voir si nous pouvons l’influencer. Je pense que c’est très difficile, mais c’est certainement une obligation qui m’incombe en qualité de chef de notre diplomatie de déterminer s’il y a encore une possibilité. Mais je pense que le président a été très clair.
Et la question est la suivante : de toute façon, nous sommes prêts, et ce n’est pas par hasard. J’ai été frappé hier lors de la séance avec mon amie et collègue Annalena Baerbock, lorsque Christoph Heusgen a déclaré au début de notre réunion que, d’après son expérience, il n’a jamais vu une telle coordination, collaboration, consultation entre les États-Unis et l’Europe en général, ainsi qu’entre, notamment, les États-Unis et l’Allemagne. Et cela n’arrive pas tout seul. C’est le produit d’un effort très délibéré des deux côtés pour y parvenir, et je pense que d’après ma propre expérience, je suis d’accord avec cette évaluation. Je n’ai jamais vu ce niveau de coordination auparavant.
Et cela signifie que, si nous mettons en œuvre toutes les opportunités diplomatiques qui restent éventuellement, nous le faisons de manière entièrement coordonnée. Et s’il s’agit de faire face à l’agression russe, nous sommes également parfaitement coordonnés et la réponse sera rapide, unie et conséquente.
QUESTION : Que voulez-vous dire par explorer toutes les possibilités ?Quelle – en quelque sorte concrètement est leur idée diplomatique maintenant de reprise du dialogue ?Le ministre des Affaires étrangères Lavrov a été très explicite dans sa lettre d’il y a deux jours.Vous y avez répondu.Où voyez-vous une ouverture ?Que reste-t-il à discuter ?
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Dans l’état actuel des choses, j’ai proposé il y a quelques jours que le ministre des Affaires étrangères Lavrov et moi nous revoyions la semaine prochaine en Europe. Il a répondu quelques jours plus tard et a dit oui, et j’ai à mon tour répondu et dit bien, je suis impatient de vous voir, à condition, bien sûr, que la Russie n’ait pas envahi l’Ukraine dans l’intervalle. Donc en fonction de ce qui se passera dans les prochains jours, je le verrai.
Nous avons les textes que nous avons échangés. Ce sont – je pense que ce sont des idées de discussion très concrètes que nous avons avancées et qui, sur une base réciproque, pourraient renforcer la sécurité de la Russie, des États-Unis, de l’Europe, et nous continuerons donc à voir si la Russie est prête à s’engager sur cette voie. Simultanément, les réponses russes restent sur des positions qui sont fondamentalement en contradiction avec nos principes de base et en faveur desquels nous nous sommes engagés.
QUESTION : L’une des exigences porte sur le retrait des troupes américaines de la ligne de front.
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : C’est juste.
QUESTION : S’agit-il de quelque chose que vous pourriez faire (inaudible) ?
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Donc, s’agissant de fermer la porte ouverte de l’OTAN ou de ramener l’OTAN à ses positions d’avant 1997, la réponse est non.Lorsqu’il s’agit de trouver des moyens de renforcer la confiance, de réduire les risques, de poursuivre le contrôle des armements ;de voir si, en ce qui concerne le positionnement des systèmes d’armes et des forces ou des manœuvres sur une base réciproque, il y a des mesures que nous pouvons prendre qui renforceraient la sécurité collective, la réponse est oui.Nous sommes tout à fait prêts à nous engager sur tout cela, comme nous en avons discuté en détail avec nos partenaires et alliés européens.
La question est vraiment de savoir ce que la Russie recherche réellement. S’agit-il de répondre de manière pratique aux préoccupations légitimes de sécurité que nous avons tous ou s’agit-il de reconstituer l’empire soviétique ou, à défaut, de réaffirmer une sphère d’influence ou, sinon, de finlandiser les pays qui l’entourent ? Si c’est de cela dont nous parlons, il y a peu de matière à discussion.
QUESTION : Quel serait l’impact d’une telle guerre, dans cette éventualité, sur l’ordre en Europe ?
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Eh bien, deux choses. Il ne fait aucun doute qu’une guerre aurait des conséquences terribles et dévastatrices, d’abord et avant tout pour ceux qui sont immédiatement impliqués, des Ukrainiens innocents. Cela aurait des conséquences, bien sûr, pour la Russie, y compris les conséquences très graves qui seraient imposées par de nombreux pays.
Mais il s’agit aussi, je pense, d’un défi profond à l’ordre international, car ce qui est en jeu ici n’est pas – oui, bien sûr, c’est l’Ukraine et son avenir, son intégrité territoriale, sa souveraineté, son indépendance. Mais plus largement, ce qui est en jeu, ce sont certains principes fondamentaux de la paix et de la sécurité, des principes qui ont émergé de deux guerres mondiales et d’une guerre froide, des principes selon lesquels un pays ne peut pas simplement changer les frontières d’un autre par la force ; qu’un pays ne peut pas dicter à un autre ses choix, ses politiques, avec qui il va s’associer ; qu’un pays ne peut pas exercer une sphère d’influence pour imposer sa volonté à ses voisins. Ces principes sont importants non seulement en Europe, mais dans le monde entier.
Et c’est pourquoi ce qui se passe maintenant, la menace que la Russie représente, d’abord et avant tout pour l’Ukraine mais plus largement pour ces principes, devrait préoccuper les pays du monde entier. C’est pourquoi je suis allé au Conseil de sécurité des Nations unies il y a quelques jours pour faire comprendre que c’est cela qui est en jeu, et le Conseil de sécurité, bien sûr, est responsable du maintien de la paix et de la sécurité.
QUESTION : Que se passerait-il le lendemain ? Y a-t-il une sorte de plan de match dans —
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Oui, et il est parfaitement coordonné entre les partenaires européens, aussi bien avec l’Union européenne que l’OTAN, sur une base bilatérale également. Et je pense, encore une fois, que nous avons été très clairs sur le fait qu’il y aura une réponse rapide et unie en ce qui concerne, par exemple, les sanctions. Il y aura une réponse rapide et unie lorsqu’il s’agira, selon la situation exacte, de renforcer davantage la défense de l’Ukraine. Il y aura une réponse rapide et unie lorsqu’il s’agira de renforcer l’OTAN et son flanc oriental.
Et l’une des choses frappantes ici, Stefan, c’est que lorsque vous prenez du recul une minute et que vous essayez de replacer cela dans son contexte, au cours des huit ou neuf dernières années, le président Poutine n’a fait que précipiter tout ce qu’il dit vouloir empêcher. Et si vous remontez à 2014, avant que la Russie n’entre en Ukraine, dans le Donbass et ne s’empare de la Crimée, les cotes de popularité de la Russie en Ukraine au sein du peuple ukrainien étaient très élevées, 70 pour cent. Maintenant, c’est totalement l’inverse et il a réussi à aliéner l’écrasante majorité des Ukrainiens contre la Russie. Le soutien à l’adhésion à l’OTAN avant 2014 en Ukraine était probablement de 25 pour cent ; maintenant c’est 60 ou 65 pour cent à cause des actions du président Poutine.
Et en ce qui concerne l’OTAN elle-même, les actions du président Poutine ont concentré les esprits et concentré l’action à l’OTAN d’une manière que nous n’avons pas vue depuis des années, y compris les budgets de la défense et le renforcement complet du flanc oriental. Avant 2014, si vous regardez l’évolution, le niveau des forces américaines en Europe diminuait. Les armements et équipements étaient également en réduction après la fin de la guerre froide. Tout ce qui s’est passé en termes de renforcement de l’OTAN est le produit direct des actions agressives du président Poutine. C’est donc ce qu’il dit vouloir empêcher. Il l’a précipité, et s’il entre en Ukraine, je pense que cela ne fera que renforcer cette tendance. Les opinions sont en convergence en Europe, outre-Atlantique et au-delà d’une manière inédite ces dernières années à cause des actions de la Russie.
M. PRICE : (Inaudible) dernière question –
QUESTION : Vous n’êtes pas extrêmement précis sur le type de – sur leur liste cible ou – la liste des sanctions.Néanmoins, c’est votre – est-ce que vous pensez que Nord Stream 2 sera (inaudible) fermé, et les États-Unis seront-ils prêts à (inaudible) leur propre approvisionnement en pétrole depuis la Russie sur cette liste ?
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Eh bien, tout d’abord, bien sûr, notre position sur Nord Stream 2 est ancienne et bien connue. Et ce que je peux dire, c’est – et je ne veux certainement parler au nom de personne, mais interrogé sur Nord Stream 2 dans le contexte de l’agression russe, le chancelier Scholz a déclaré qu’il y aurait une réponse forte et unie. Je laisserai ces mots parler d’eux-mêmes.
QUESTION : Le pétrole ?
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Et je suis convaincu à tous les niveaux qu’à la suite de tout le travail que nous avons fait ensemble – la coordination incroyablement étroite entre les États-Unis et l’Allemagne sur tous les aspects de cette question, sur la diplomatie, sur la réponse – que nous réagirons de manière forte et unie quoi que fasse le président Poutine.
QUESTION : Y compris l’approvisionnement en pétrole des Éats-Unis ?
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je peux vous dire que nous – notre réponse sera très forte et unie.
M PRICE : Merci beaucoup.
QUESTION : Merci.
Voir le contenu d’origine : https://www.state.gov/secretary-antony-j-blinken-with-stefan-kornelius-of-suddeutsche-zeitung/
Nous vous proposons cette traduction à titre gracieux. Seul le texte original en anglais fait foi.